C’est le thème du séminaire organisé en ligne les 1er et 2 juillet 2021 par l’Institut des hautes études pour la science et la technologie (IHEST). La réflexion a été introduite par Gilles Bloch, président de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et Claude Bertrand, directeur de la recherche de Servier, tous deux ayant une vision convergente des enjeux et des défis à relever en France dans le domaine de la recherche en biologie-santé.
Le thème s’inscrit dans une actualité marquée par la crise sanitaire de la Covid-19 et l’annonce, faite deux jours avant le séminaire, par le Président Emmanuel Macron, concernant le plan d'investissement d’environ 7Md€ pour favoriser l’innovation et faire de la France un leader européen à l'horizon 2030. Cet investissement massif concerne principalement trois domaines: les biothérapies, la santé numérique et les maladies émergentes et infectieuses (voir ci-dessous).
Le plan annoncé le 29 juin 2021 par le Président français pour dynamiser la recherche et l’innovation dans la santé
L’Etat va investir 4Md€ de fonds publics dans la recherche dans le domaine de la santé, auxquels devraient s’ajouter "au moins autant du privé":
- 800M€ consacrés notamment aux biothérapies (complétés par 2Md€ de fonds privés), dont fait partie la thérapie ARN messager utilisée dans les vaccins de Pfizer et de Moderna contre la Covid-19;
- 650M€ pour la santé numérique (1,5Md€ de fonds privés)
- 750M€ pour les maladies émergentes et infectieuses.
Sources : Le Parisien avec AFP, 29 juin 2021 à 21h19
Si les deux intervenants Gilles Bloch et Claude Bertrand, accueillent avec grande satisfaction ce plan de "rattrapage" qui pourrait permettre à la France de se hisser au rang du Royaume-Uni en termes de financement de la recherche en biologie-santé, ils insistent sur l’importance de la déclinaison opérationnelle de la stratégie annoncée.
En effet, si le terreau scientifique français en biomédecine est fertile (bons résultats au niveau des publications et des brevets malgré un sous-investissement chronique dans la R&D depuis plus de 20 ans, niveau d’excellence atteint dans la lutte contre le cancer, le sida et les hépatites, etc.), il faudra réfléchir à une organisation de la recherche au niveau national qui mette véritablement à profit le nouveau plan de financement.
Pour cela, des pistes ont été ébauchées par G. Bloch et C. Bertrand. Nous en donnons les grandes lignes[1]
- Considérer véritablement la recherche biomédicale comme un secteur stratégique pour la nation au même titre que la défense et l’aéronautique. Cela demande l’alignement du politique, de la recherche publique et de l’industrie.
- Éviter de disperser les moyens ("saupoudrage") en étant capable de sélectionner des grands programmes de recherche pour lesquels la France présente des atouts et/ou qui sont cruciaux pour l’avenir (maladies associées au vieillissement par exemple). Cela impliquerait la création d’une agence de programmation de la recherche en biologie-santé apte à piloter la recherche publique (les organismes publics manquent d'unité pour le faire efficacement) et à favoriser le dialogue avec les partenaires industriels (l'élaboration des partenariats prend beaucoup trop de temps en France).
- Ne pas orienter uniquement la recherche à des fins technologiques (à l’instar des trois axes thématiques retenus par l’Elysée) en omettant d’allouer des financements à la recherche fondamentale non finalisée.
- Coordonner l’action des différents acteurs du secteur (recherches publique et privée, hôpitaux, médecine de ville, etc.) et favoriser les interactions entre acteurs (par exemple, c’est en se rapprochant des hôpitaux, que la recherche publique a plus facilement accès aux patients).
- Faciliter la mobilité des chercheurs et les échanges entre les organismes publics et les entreprises privées en levant le gap culturel.
En résumé, les intervenants ont confiance en la capacité de la France – qui a gardé un bon niveau scientifique, à relever les défis de recherche et d’innovation dans le domaine de la biologie-santé. Cela suppose toutefois que la stratégie annoncée par l’Elysée trouve un ancrage opérationnel sur le terrain. Il serait certainement utile à cet effet de créer une agence facilitatrice (programmatrice ?) permettant aux acteurs (Politique, recherche publique, industrie) de s’organiser de façon coopérative.
S'ils avaient eu davantage de temps, les intervenants auraient peut-être abordé plus explicitement la question de l'inscription de la stratégie nationale en matière de santé dans l'espace européen de la recherche et de l'innovation. Ils auraient peut-être également évoqué l'importance des équipements scientifiques de haute technologie devenus incontournables dans la quête de connaissance sur les coronavirus (cf. notre blog "Innovation en santé : la course au vaccin" du 22 juin 2021) et dont il est sans doute envisageable de mutualiser les coûts dans le cadre de partenariats public/privé et/ou à un niveau européen.
Nous souhaitons conclure en plaidant pour que soient entrepris des programmes de recherche & études en management visant à rendre l'écosystème de recherche et d'innovation en biologie-santé, le plus efficace et le plus créatif possible. Les enjeux de santé dans notre société en valent bien la peine !
[1] Ces grandes lignes sont données sans l’approbation des deux intervenants et peuvent éventuellement comporter des erreurs d’interprétation.
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