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Futurs obsolètes - Note de lecture

  • Photo du rédacteur: Nathalie Popiolek
    Nathalie Popiolek
  • 15 mai
  • 2 min de lecture

Futurs obsolètes: Ce que la conquête de l’espace nous dit de l’avenir est un essai de Julien Le Bot, publié en février 2024 chez Actes Sud.

 

Cet ouvrage, enrichi par les illustrations de Tom Haugomat, se lit très bien et s’appuie sur une documentation rigoureuse, des exemples concrets et une mise en perspective historique solide.



Le titre juxtapose deux mots antithétiques: "Futurs" qui évoque l’avenir, l’inconnu, souvent chargé d’espoir ou de promesses et "Obsolètes" qui qualifie ce qui est dépassé, archaïque, et tourné vers le passé. Cet oxymore résume brillamment la thèse de Julien Le Bot: l’anachronisme des utopies technologiques qui se prétendent innovantes mais recyclent des mythes du siècle dernier.

 

L'auteur interroge la relance de la conquête spatiale par des figures emblématiques de la tech comme Elon Musk ou Jeff Bezos à qui il consacre un chapitre entier pour analyser leur motivation profonde puisée dans un imaginaire de science-fiction.

 

Ces entrepreneurs, qu’il qualifie d’astropreneurs, investissent massivement dans la conquête spatiale, en s’appuyant sur une rhétorique de progrès, de salut pour l’humanité, et de rêve technologique. Bien que les objectifs spatiaux des milliardaires soient différents  ̶  fuir vers Mars (plan B) afin d’assurer la survie de l’humanité en cas d’effondrement terrestre pour Musk, déplacer les industries polluantes dans l’espace (sur la Lune ou dans des stations orbitales) afin de faire de la Terre une zone résidentielle verte pour Bezos, Julien Le Bot considère ces deux visions comme étant prisonnières du même imaginaire technosolutionniste.

 


Tom Haugomat
Tom Haugomat


Il y voit une nostalgie des grandes épopées spatiales passées, telles que le programme Apollo, plutôt qu'une réponse pragmatique aux enjeux actuels. L'auteur examine les limites physiques, économiques (coût énergétique notamment) et juridiques de ces initiatives, remettant en question la viabilité des modèles économiques proposés pour l'exploitation de l’espace. Et la viabilité tout court d’ailleurs en raison des dangers cosmiques et des conditions de vie très hostiles dans l’espace, sur la Lune et sur Mars.

 




Pour autant, dans son livre, Julien Le Bot ne nie pas que les milliardaires de la tech ont accompli des progrès technologiques impressionnants et réalisé des prouesses réelles et inédites: Amazon ou Tesla ont repoussé les limites de la robotisation et de la gestion algorithmique. Ils ont challengé les acteurs historiques du spatial et de l’aéronautique en réduisant drastiquement le coût d’accès à l’espace, en concevant des fusées réutilisables (SpaceX), etc. Ils sont d’une efficacité redoutable.

 

Mais là où Le Bot prend du recul critique, c’est sur la direction et le sens de ces prouesses, prouesses qui ne garantissent pas qu’ils construisent un avenir souhaitable ou soutenable. Julien Le Bot invite donc à faire la différence entre la capacité technique et la sagesse collective, entre le pouvoir de faire et le choix de bien faire. Il faudrait, selon lui, repenser le futur en recentrant l’innovation sur la Terre, en inventant de nouveaux récits du futur, ancrés dans la réalité écologique. Et le spatial a de belles choses à accomplir dans cette direction.


En somme, Futurs obsolètes invite à une remise en question des récits dominants sur la conquête spatiale, en mettant en lumière les implications sociales, politiques et économiques de ces projets.

 
 
 
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