Pour clôturer l’édition 2021 de la “R&D Management Conference : Innovation in an Era of Disruption”, (University of Strathclyde, Glasgow), qui s’est tenue virtuellement les 7 et 8 juillet, les organisateurs avaient invité Steve Rader, Deputy Director of NASA’s Center of Excellence for Collaborative Innovation (CoECI). Le CoECI est une petite structure qui travaille pour la NASA et le gouvernement américain.
Que ce soit pour la conquête spatiale ou la lutte contre le virus de la Covid-19, notre époque se trouve face à d’immenses challenges. Steve Rader est convaincu que seules les méthodes issues de l’open innovation et du crowdsourcing sont susceptibles d’apporter des solutions. Or il s’agit là d’un changement culturel majeur conduisant à remettre en question les modèles traditionnels d’organisation et de valorisation de la recherche fondés sur les appels à projet, le montage de partenariats, la protection de la propriété intellectuelle, etc. Selon Steve Rader, un partenariat ne se monte pas à deux, voire à plusieurs unités de R&D mais avec la terre entière… Il est persuadé qu’il ne faut plus travailler comme dans le passé car cela ne fonctionne plus et ne permettra pas de relever les défis auxquels nous sommes confrontés.
Nous sommes dans l’ère de la science et de la technologie
90% des scientifiques que la planète a connus sont vivants actuellement, plus de trois millions et demi de brevets sont déposés chaque année alors qu’il n’y en avait seulement quelques centaines de milliers par an à la fin du siècle dernier, le nombre de doctorants à travers le monde a explosé avec la monté en puissance de la Chine et de l'Inde dans l'économie de la connaissance, etc. Quant aux nouvelles technologies, elles se sont propagées à une vitesse folle et ont littéralement envahi l'industrie en étant facilement accessibles et à la portée de tous les domaines (aérospatial, médecine, agriculture…). L’ensemble des blocs technologiques émergents (fabrication additive, blockchains, cloud, machine learning, véhicule autonome, robotique, etc.) sont transférables d’un secteur à l’autre et mobilisent un grand nombre de disciplines différentes. Ils évoluent si rapidement qu’une seule organisation ne peut maintenir à jour les compétences nécessaires à leur implémentation. Pour innover et rester compétitive, elle doit se tourner vers des experts extérieurs appartenant à d’autres domaines d’activité et qui seraient beaucoup plus à même de trouver des solutions.
"Most of the bright people don’t work for you – no matter who you are”
Bill Joy, Co-founder of Sun Microsystems
70% des problèmes résolus par des experts n’appartenant pas au domaine en question…
… et 75% des experts apportant la clé connaissaient déjà la solution[1].
Steve Rader a illustré le propos avec le problème consistant à rendre les chips moins grasses. Il ne s'agit sans doute pas du défi du siècle mais il est intéressant d'analyser la façon dont la solution a été obtenue. Il a fallu déjà changer la formulation du problème en parlant de fluides et de caractéristiques de matériaux, ce qui a ouvert le champs d'expertise en dehors de celui des ingénieurs de la sphère agro-alimentaire. L’idée est venue alors de retirer la graisse par vibrations et c’est une violoniste qui a apporté la solution !
Ainsi, pour fournir des produits, des processus et des services à forte valeur ajoutée, on comprend l'intérêt de rassembler et d'organiser un grand nombre d’individus du monde entier avec tous les types de connaissance, de compétence et d'expertise. C'est le principe de l’open innovation ou des plateformes de crowdsourcing qui mobilisent des experts travaillant en freelance. D'ailleurs, si l’on en croit les prévisions, ce type de main-d'œuvre devrait devenir majoritaire au sein de la population active aux États-Unis en 2027: 86,5 millions de travailleurs en freelance contre 83,4 millions qui ne le seraient pas[2]… La révolution n'est pas que technologique !
[1] Lars Bo Jeppesen, Karim R. Lakhani. Marginality and Problem-Solving Effectiveness in Broadcast Search. Organization Science 21 (5) 1016-1033 https://doi.org/10.1287/orsc.1090.0491 [2] Freelancing in America, 2017
コメント